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Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 1.djvu/427

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toujours à dire une chose, et à en penser une autre ? Malheur à vous ! pour moi la mort n’est pas si redoutable que tu le crois. Je ne vis plus, depuis le jour où je vis périr la malheureuse ville des Phrygiens et mon illustre époux, dont la lance te força plus d’une fois à chercher un asile sur tes vaisseaux[1]. Guerrier aujourd’hui, terrible contre une femme, tu me tues. Frappe, car jamais ma langue ne s’abaissera à vous flatter, toi et ta fille. Si tu es grand à Sparte, je fus puissante aussi à Troie : et si je suis dans le malheur, n’en triomphe pas trop, car tu peux y tomber à ton tour.

le chœur

Jamais je n’approuverai le mortel qui forme un double hymen, et qui a des enfants de plusieurs mères, source de discorde et d’amers chagrins dans les familles. Puisse mon époux se contenter de mon seul amour, et ne jamais admettre de rivales dans ma couche !

Dans les états, deux autorités ne sont pas plus faciles à supporter qu’une seule : c’est un fardeau ajouté à un autre, et une cause de sédition parmi les citoyens. Les Muses mêmes allument la discorde entre deux poëtes qui travaillent au même ouvrage.

Quand les vents rapides poussent les navires, deux pilotes assis au gouvernail et une foule de sages ont moins de force qu’un seul moins habile, mais seul maître absolu. Le pouvoir d’un seul est nécessaire dans les cités comme dans les familles, quand on veut saisir l’à-propos.

La fille du roi de Sparte le prouve par son exemple :

  1. Littéralement : « Dont la lance fit souvent de toi un lâche matelot, au lieu d’un soldat de terre ferme. »