Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 1.djvu/430

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immolation, qu’est-il arrivé ? quelle cause jette le trouble dans le palais ? que signifie cette exécution sans jugement ? Arrête, Ménélas ; ne te presse pas d’agir sans forme de procès. Hâtons-nous[1], car, à ce qu’il me semble, cette affaire ne souffre pas de retard : c’est ici ou jamais que je voudrais retrouver la vigueur de ma jeunesse. Et d’abord dirigeons vers cette infortunée un vent propice, comme celui qui enfle les voiles. Dis-moi, je te prie, en vertu de quel jugement on te charge ainsi de liens et l’on te traîne au supplice avec ton fils ? car, telle qu’une brebis qui allaite son agneau, tu succombes, pendant mon absence et celle de ton maître.

Andromaque

Ô vieillard, ces gens, comme tu le vois, me conduisent à la mort avec mon fils. Ce n’est pas une fois, c’est par mille messages que mon impatience t’a fait appeler. Tu connais peut-être la discorde qui divise cette famille, et qui anime la fille de Ménélas ; elle est la cause de ma mort. Et maintenant on m’arrache à l’autel de Thétis, qui a donné le jour à ton noble fils, et qui est l’objet de ton culte ; on m’entraîne sans jugement, sans attendre le retour d’un maître absent ; on profite de l’abandon où je me trouve, ainsi que cet enfant, qu’ils veulent, malgré son innocence, livrer à la mort avec moi. Je t’en conjure, vieillard, en tombant à tes genoux (hélas ! mes mains ne peuvent toucher ton visage chéri), sauve-moi, au nom des dieux ! autrement nous mourrons, et mon malheur sera une honte pour vous.

Pélée

Brisez ses liens, ou craignez ma colère ; laissez ses mains en liberté.

  1. Le grec dit : « Toi, conduis-moi plus vite. » Il s'adresse au serviteur qui guide ses pas.