Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 1.djvu/432

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qu’elle est à quitter la maison maternelle, pour se mêler aux exercices de la course et de la lutte avec les jeunes gens, les cuisses nues, et sans autre vêtement qu’une tunique courte et flottante[1] ? Faut-il ensuite s’étonner si vous ne formez pas de femmes chastes ? Demandez-le à Hélène, qu’on vit abandonner la couche nuptiale, et suivre, sans pudeur, un jeune amant dans une terre étrangère. Voilà donc le digne objet qui t’a fait rassembler et conduire à Troie toutes les forces de la Grèce ! Ah ! loin de vouloir reprendre, les armes à la main, une femme si méprisable, tu devais la rejeter loin de toi, l’abandonner à son ravisseur, la payer même, pour ne la plus recevoir dans ta maison. Mais ton esprit ne s’est point arrêté à cette heureuse idée : tu as sacrifié une foule d’âmes généreuses ; tu as plongé les mères dans le deuil ; tu as ravi aux pères leurs courageux enfants, l’espoir de leur vieillesse. Moi-même je suis un de ces pères infortunés, et je vois en toi comme un mauvais génie, comme le meurtrier d’Achille. Seul tu es revenu de Troie sans blessure, et tu as rapporté tes armes magnifiques, enfermées dans de riches étuis, et dans le même état qu’au jour où tu quittas la Grèce. Plus d’une fois j’ai dit au fils d’Achille, avant son mariage, de se garder de ton alliance, et de ne point recevoir dans sa maison la fille d’une mère coupable ; car les filles reproduisent les vices maternels. Vous donc qui cherchez une épouse, attachez-vous surtout à choisir celles qui sont nées de mères vertueuses. À tous ces torts ajoute tes crimes envers ton frère, l’ordre insensé d’immoler sa fille, tant tu craignais de ne pas recouvrer une méchante femme ;

  1. Sur ces exercices gymnastiques des jeunes filles lacédémoniennes, voyez Aristophane, Lysistrata, v. 81, page 322 de ma seconde édition.