Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 1.djvu/450

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sence de l’oracle : il était occupé à observer la flamme des victimes. Une troupe d’hommes armés était cachée sous des lauriers voisins, conduite par le fils de Clytemnestre, auteur du complot. Pyrrhus debout, exposé à tous les regards, invoquait le dieu : la troupe, armée de glaives, fond à l’improviste sur le fils d’Achille, et le frappe. Il recule, car il n’était pas mortellement blessé, et, arrachant les armes suspendues au portique du temple, il se retire derrière l’autel, et se présente comme un guerrier terrible. Alors, élevant la voix, il s’adresse aux citoyens de Delphes : « Pourquoi me tuer, s’écrie-t-il, quand je viens dans des intentions pieuses ? Quelle est la cause de ma mort ? » Personne, dans cette multitude, ne prend la parole pour lui répondre : mais ils l’attaquent à coups de pierres. Accablé sous cette grêle, il se couvrait derrière ses armes, et parait les coups, en opposant son bouclier de côté et d’autre. Mais ce fut en vain ; des traits de toute espèce, les flèches, les dards, les broches des sacrifices, les couteaux à égorger les bœufs, tombaient à ses pieds. Tu aurais vu les bonds merveilleux[1] de ton fils pour éviter les attaques. Enfin, voyant qu’ils le tenaient enveloppé de toutes parts, sans lui laisser le temps de respirer, abandonnant le foyer de l’autel destiné à recevoir les victimes, il s’élance contre eux par un bond qui rappelait le saut troyen[2] : ceux-ci, comme des colombes à la vue de l’épervier, tournent le dos et se mettent à fuir. Ils tombent pêle-mêle, ou succombant sous leurs blessures, ou étouffés les uns par les autres à l’étroite issue des portes. Le lieu sacré retentit

  1. Le texte dit, la pyrrhique, danse vive et guerrière, dont l’invention est attribuée à Pyrrhus.
  2. Allusion au saut d’Achille, lorsqu’il s’élança du vaisseau sur le rivage de Troie.