Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 1.djvu/454

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-moi. Ensevelis le fils d’Achille au pied de l’autel pythien ; que son tombeau soit un éternel reproche pour Delphes, et le monument honteux de la violence et de l’attentat d’Oreste. Quant à la captive Andromaque, elle doit demeurer chez les Molosses, et s’unir à Hélénus par un nœud légitime ; ce fils, seul reste des descendants d’Éaque, doit la suivre : de lui doit descendre une succession de rois qui gouverneront la Molossie avec gloire[1]. Car, vieillard, ta race et la mienne ne doit pas périr ainsi, ni celle de Troie ; elle aussi est l’objet de la sollicitude des dieux, quoique le ressentiment de Pallas l’ait renversée. Pour toi, pour que tu connaisses le prix de mon alliance, déesse et fille de dieu, je te délivrerai des maux de l’humanité ; je ferai de toi un dieu immortel et incorruptible. Désormais, devenu dieu, tu habiteras avec moi le palais de Nérée ; de là, sortant à pied sec du sein des eaux, tu verras Achille, notre fils chéri, habiter l'île aux rives blanchissantes, dans le détroit de l’Euxin[2]. Va donc dans la ville de Delphes, bâtie par la main des dieux ; reporte-s-y ce cadavre, et, après lui avoir donné la sépulture, reviens dans la grotte profonde de l’antique Sépias[3]. Attends là, jusqu’à ce que tu

  1. La race des Éacides régna longtemps sur les Molosses. Le fameux Pyrrhus se glorifiait d'être issus du sang d'Achille. « Néoptolème, dit Plutarque (Vie de Pyrrhus), étant venu dans la Molossie avec beaucoup de troupes, s'empara de tout le pays, et laissa après lui une longue suite de rois, qui furent appelés les Pyrrhides ; car, dans son enfance, il avait eu le surnom de Pyrrhus. »
  2. Sur cette île, appelée Leucé, ou l'île blanche, et renommée pour avoir été le séjour d'Achille, voyez aussi Iphigénie en Tauride, v. 424, et Pindare, Nem., IV, 80.
  3. Hérodote (VII, 191) nous fournit le meilleur commentaire de ce passage. Après avoir parlé de la tempête essuyée par la flotte de Xerxès dans les environs du cap Sépias, il ajoute : « Les mages sacrifièrent à Thétis, d'après l'opinion des Ioniens, qui pensent que c'est dans ces