Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 1.djvu/463

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les traces sanglantes de mes ongles, et ma tête dépouillée de ses cheveux blancs. Car que pourrais-je faire, moi qui n’ai point recueilli dans ma maison vos tristes dépouilles, et qui ne vois pas s’élever sur la terre le monument destiné à recevoir vos cendres ?

Toi aussi tu es mère, reine auguste ; un fils a rendu ta couche chère à ton époux : prends part à mon infortune, ressens les maux que j’éprouve en voyant périr ceux que j’ai mis au monde ; engage ton fils, que j’implore, à venir sur les bords de l’Ismène et à remettre entre mes mains les corps de mes enfants privés de sépulture.

Dans un appareil peu séant, mais contrainte par la nécessité, je suis venue tomber à tes pieds, et faire entendre mes prières devant les autels où fume l’encens des sacrifices. Mais ma cause est juste, et tu as dans ton glorieux fils les moyens de réparer nos malheurs. Dans mon état digne de pitié, je te supplie de remettre mon fils entre mes mains : qu’il me soit permis de presser ses tristes restes dans mes bras.

Voici d’autres cris douloureux qui succèdent à nos cris douloureux ; les sacrificateurs frappent leur poitrine à coups redoublés. Ô vous qui partagez ma douleur, vous dont les chants s’unissent à mes souffrances, formons un chœur funèbre pour rendre hommage au dieu des enfers. Déchirez votre visage, faites ruisseler le sang de vos joues ; tels sont les honneurs que les vivants doivent aux morts.

Le plaisir insatiable et douloureux que je trouve à gémir fait couler mes larmes sans relâche, comme la source intarissable qui tombe d’un rocher escarpé. Il y a dans