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Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 1.djvu/48

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 qui égorgent leurs hôtes, ou qui osent ravir des biens placés sous la sauvegarde des dieux, ne portent point la peine de leurs crimes, il n’est plus de justice parmi les hommes. Plein de mépris pour ces infamies, ne dédaigne pas ma prière, aie pitié de moi, et, comme le peintre qui se place à distance pour juger son ouvrage, contemple les maux que j’endure. Je fus reine, je suis esclave ; jadis mère d’une brillante famille, aujourd’hui vieille, sans enfants, sans patrie, abandonnée, la plus misérable des créatures. Hélas ! tu veux me fuir ? mes efforts ont été vains. Ah ! malheureuse que je suis ! Pourquoi, mortels, donner tant de soins et d’études à toutes Ies autres sciences, et ne pas travailler avant tout à acquérir à grands frais l’éloquence, cette reine du monde (33) ! qui nous donne la puissance de persuader, et d’obtenir l’objet de nos vœux. Qui pourrait désormais se promettre le bonheur ? De tant de fils que j’avais, aucun ne me reste : moi-même, condamnée à vivre dans l’opprobre, je pars pour la captivité, et je découvre encore au loin la fumée qui s’élève en tourbillons, des ruines de ma patrie ! Peut-être serait-il vain d’en appeler à ton amour ; cependant je parlerai. Ma fille, la prophétesse d’Apollon, que les Phrygiens appellent Cassandre, partage ta couche : ô roi, veux-tu rendre tes nuits heureuses ? veux-tu qu’elle réponde à tes embrassements et te montre sa reconnaissance, et moi la mienne ? Les mystérieux plaisirs que couvre la nuit sont ceux auxquels les mortels sont le plus sensibles. Écoute donc : tu vois ce cadavre ; en le vengeant, tu vengeras le frère de ton amante ; je n’ai