Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 1.djvu/482

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juste, sans offenser Thèbes et sans provoquer des combats meurtriers, de donner la sépulture aux morts, en respectant la loi commune de toute la Grèce. Qu’y a-t il de blâmable dans cette conduite ? Si vous avez eu à vous plaindre des Argiens, ils sont morts ; vous avez tiré de vos ennemis une vengeance glorieuse pour vous, honteuse pour eux : la justice est accomplie. Laissez maintenant la terre recouvrir les morts ; chacun d’eux est retourné aux lieux d’où il était venu dans le corps ; l’esprit au sein de l’éther, et le corps dans la terre : car ce corps, nous ne le possédons pas en propre, si ce n’est pour l’habiter pendant la durée de notre vie ; et ensuite, la terre qui l’a nourri doit le reprendre. Pensez-vous maltraiter Argos, en refusant d’ensevelir les morts ? Non, c’est un affront commun à toute la Grèce, que de refuser aux morts les honneurs qui leur sont dus, et de les laisser sans sépulture : il y a de quoi rendre lâches les plus vaillants, si cette loi vient à prévaloir. Vous venez m’offenser par des paroles menaçantes, et vous tremblez si l'on recouvre ces morts de poussière ? Que craignez-vous ? qu’une fois ensevelis, ils ne renversent votre ville de fond en comble ? ou que, dans les entrailles de la terre, ils n’engendrent des fils destinés à les venger un jour ? C’est une dépense inepte de paroles, de se livrer à ces vaines et misérables frayeurs. Mais, insensés, connaissez donc les maux de l’humanité : notre vie est une lutte ; les uns sont heureux peut-être, les autres le seront, les autres l’ont été. Mais la fortune se joue de nous : le malheureux lui rend hommage, pour obtenir ses faveurs ; et celui qui prospère, craignant que son souffle ne l’abandonne, chante ses louanges. Pénétrés de ces vérités, supportons sans colère les offenses peu graves ; et que celles dont nous sommes nous-mêmes coupables ne soient pas