Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 1.djvu/52

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 les villes inexpugnables : une nuée de Grecs t’a enveloppée de toutes parts, et porte le ravage dans ton sein. Ta couronne de tours est rasée ; la noire fumée a souillé tes déplorables ruines. Hélas ! je ne visiterai plus tes murs.

C’est dans l’ombre de la nuit qu’est survenu le désastre, lorsque, après le repas du soir, un doux sommeil se répandait sur nos paupières. Au sortir des chants et des festins joyeux, mon époux reposait dans son lit ; sa lance était suspendue, et il ne voyait plus la troupe des Grecs s’élancer de ses vaisseaux pour fondre sur Ilion. Pour moi, j’étais occupée à relever sur ma tête ma chevelure nouée avec grâce par des bandelettes, contemplant la surface brillante du miroir doré ; et à demi vêtue je me préparais à reposer sur mon lit. Un bruit soudain retentit à travers la ville, et ces cris guerriers se font entendre : « Enfants des Grecs, que tardez-vous à renverser la citadelle de Troie, pour retourner dans votre patrie ? »

[933] J’abandonne aussitôt ma couche chérie, vêtue d’une simple tunique (37), comme une jeune Dorienne (38), et j’embrasse l’autel de Diane sans pouvoir la fléchir. Infortunée, mon époux périt à mes yeux, et l’on m’emmène à travers la vaste mer, loin de ma patrie, que je vois disparaître à mes regards, à mesure que le gouvernail éloigne le vaisseau du rivage, et m’emporte loin de la terre troyenne. Enfin, désespérée, je lui dis un dernier adieu, vouant à l’infernale vengeance Hélène, sœur des Dioscures,