Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 1.djvu/53

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 et le berger de l’Ida, le funeste Pâris, dont l’hymen adultère, tel qu’un fléau dévastateur, a causé ma ruine et m’a proscrite du lieu de ma naissance. Oh ! puissent les flots de la mer refuser de la remporter, et ne jamais la rendre à sa patrie !

POLYMESTOR.

[953] Ô le plus chéri des mortels, Priam, et toi, Hécube non moins chérie, je fonds en larmes en te voyant, en voyant ta ville en cendres, et cette fille que la mort vient de ravir à ta tendresse. Ah ! il n’est rien d’assuré parmi les mortels ; ni la gloire, ni la prospérité, ne sauraient garantir des plus affreux revers. Les dieux se plaisent à semer le trouble et à bouleverser les fortunes, afin que l’ignorance de l’avenir nous ramène à les adorer. Mais à quoi bon de vaines lamentations, qui ne peuvent en rien soulager vos maux ?… Pour toi, si tu accuses mon absence, cesse tes reproches : j’étais loin d’ici, sur les confins de la Thrace, lorsque tu es arrivée en ces lieux. Et déjà, à mon retour, je portais mes pas de ce côté, pour me rendre auprès de toi, quand j’ai rencontré l’esclave chargée du message, dont je viens m’informer de toi-même.

HÉCUBE.

[968] Je n’ose te regarder en face, Polymestor, dans l’abîme de misère où je suis plongée. Toi qui m’as vue dans ma prospérité, j’ai honte de paraître à tes yeux dans ce degré d’infortune, et je ne saurais fixer sur toi mes regards. Ne vois point là de malveillance envers toi, Polymestor ; la cause en est ailleurs, dans les lois de la décence, qui défendent aux femmes de regarder un homme en face.

POLYMESTOR.