Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 2.djvu/124

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de ressentiment contre celui qui m’a immolée. Ma main se dispensera de t’égorger, et je sauverai notre maison. Mais comment échapper aux yeux de la déesse et à la colère du roi, lorsqu’il trouvera le socle de pierre vide de sa statue ? comment me soustraire à la mort ? quelle excuse alléguer ? Ah ! si tout pouvait s’accomplir du même coup, si tu pouvais à la fois enlever la statue de la déesse et m’emmener sur ton vaisseau, ce serait une glorieuse entreprise. Mais, séparée de ce gage précieux, je périrai, et toi, après avoir pourvu à ton salut, tu reverras ta patrie. Cependant je ne fuis aucun péril, pas même la mort s’il le faut, pour te sauver. En effet la mort d’un homme laisse des regrets dans une famille, mais une femme est impuissante.

Oreste.

Non, je ne serai point ton meurtrier, comme je fus celui de ma mère. C’est assez de son sang. Je veux tout partager avec toi, et dans la vie et dans la mort. Je te ramènerai dans notre patrie, si je m’échappe moi-même de ces lieux, ou j’y resterai pour mourir avec toi. Mais écoute ce que je pense : si cet enlèvement déplaisait à Diane, Apollon aurait-il ordonné de transporter la statue de la déesse dans la ville de Minerve ? m’aurait-il promis la joie de te revoir ? En rapprochant toutes ces idées, je conçois l’espoir d’un heureux retour.

Iphigénie.

Mais comment faire pour échapper à la mort et nous assurer l’objet de nos vœux ? La volonté du moins ne manque pas.

Oreste.

Ne pourrions-nous pas tuer le tyran.

Iphigénie.

Périlleuse entreprise pour des étrangers, de tuer les gens du pays où ils arrivent !