Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 2.djvu/407

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reux accents pour déplorer les malheurs d’Hélène, chanter les infortunes dont les armes des Grecs accablèrent Ilion, et qu’un vaisseau barbare traversant les mers fit fondre sur les enfants de Priam, quand de Lacédémone un perfide séducteur, Pâris, conduit par Vénus, te ravit ton épouse.

Combien de Grecs expirant sous les coups de la lance et sous une grêle de pierres, ont trouvé une mort misérable, réduisant leurs épouses à couper leur chevelure en signe de deuil dans leurs demeures abandonnées ! Combien de braves guerriers ont été submergés dans les flots sur les rivages de l’Eubée, trompés par les fanaux allumés pour leur perte par Nauplius, sur le promontoire de Capharée ! C’était à la flotte barbare que ces bords inhospitaliers auraient dû être funestes[1], lorsque Pâris emmena sur ses vaisseaux, poussés par les vents orageux, cet être surnaturel cause de tant de querelles, le fantôme d’Hélène, ouvrage de Junon.

Quel mortel, après de profondes recherches, peut savoir ce qui est divin, ce qui ne l’est pas, ou ce qui est d’une nature intermédiaire, quand il voit les volontés attribuées aux dieux, si mobiles, changer au gré des événements les plus contraires ? Ô Hélène, tu es la fille de Jupiter ; ce dieu, sous la forme d’un cygne, t’engendra dans le sein de Léda ; et cependant tu as par toute la Grèce le renom d’une femme coupable, infidèle, perfide, impie. Je ne vois rien de certain parmi les mortels : la parole des dieux est seule véritable.

Insensés, vous qui, poursuivant la gloire de la valeur guerrière, espérez follement terminer par les armes les pénibles travaux des mortels ; si le sang répandu doit être l’arbitre de leurs querelles ; jamais la discorde ne cessera

  1. Le texte de ce passage paraît très-altéré. J’ai suivi les indications de M. Boissonade.