Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 2.djvu/418

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désirs : la fille de Protée a secondé notre ruse. Interrogée sur mon époux, elle n’a rien révélé à son frère ; mais, par bonté pour moi, elle a dit qu’il n’était plus au nombre des vivants. Mon époux a saisi aussitôt les dons de la fortune : ces armes qu’il devait jeter dans la mer, il les porte lui-même ; il a passé son bras robuste dans l’anneau du bouclier, et sa main droite a pris la lance, comme pour rendre avec moi les honneurs funèbres aux morts ; il s’est armé comme il faut pour le combat, et son bras triompherait aisément de milliers de Barbares, quand nous monterons sur le vaisseau garni de ses rames. J’ai changé contre des habits les lambeaux de son naufrage, et je l’en ai revêtu moi-même ; j’ai préparé le bain d’eau courante dans lequel il a enfin lavé et rafraîchi son corps. Mais je vois sortir du palais celui qui se croit maître de ma main, il faut me taire. Vous aussi, gardez le silence, et soyez-moi fidèles : notre salut est aussi le moyen de vous sauver.


Théoclymène.

Esclaves, avancez dans l’ordre prescrit par l’étranger, apportez les offrandes funèbres destinées à la mer. Toi, Hélène, si mon conseil ne te déplaît pas, crois-moi, reste ici : présente ou absente, tu rendras les mêmes devoirs à ton époux. Dans la douleur où je te vois plongée, je crains que les regrets ne te portent à te précipiter dans les flots ; car les pleurs que tu donnes à un époux qui n’est plus sont excessifs.

Hélène.

Ô mon illustre époux[1], c’est un devoir pour moi d’honorer mon premier hymen et des liens si chers. L’amour que j’ai pour mon époux me ferait désirer de mourir avec

  1. Ceci s’adresse à Théoclymène.