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ION.

Le Chœur

J’approuve tes généreux sentiments, si toutefois ils s’accordent avec le bonheur de ceux que j’aime[1].

Xuthus

Ne parle pas ainsi, mon fils, et apprends à être heureux. Je veux, puisque je te retrouve, célébrer cet heureux jour par un festin public, et offrir les sacrifices que je n’ai point offerts pour ta naissance. Maintenant je t’inviterai à un joyeux banquet, comme un hôte que je conduis dans mes foyers ; je t’emmènerai à Athènes comme pour la visiter, et non comme mon fils ; car je ne veux pas attrister mon épouse encore stérile, quand je suis dans la joie. J’attendrai du temps 1’occasion de décider Créuse à te voir sans jalousie hériter de mon sceptre. Je te donne le nom d’Ion, qui convient à ta fortune, puisque, au sortir du sanctuaire du dieu, tu es le premier que j’ai rencontré[2]. Va réunir tes amis, et invite-les au joyeux festin du sacrifice, avant de quitter la ville de Delphes. Vous, femmes, gardez le silence sur tous ces faits, ou la mort si vous les révélez à mon épouse.

Ion

J’y vais ; mais une chose manque à mon bonheur : si je ne retrouve celle qui m’a donné le jour, ô mon père, la vie est pour moi sans charmes. Si j’ai quelque vœu à former, puisse ma mère être Athénienne, pour que je tienne d’elle le droit de parler librement. Car l’étranger qui arrive dans une ville d’où les étrangers sont exclus, fût-il citoyen de nom, reste toujours esclave dans son langage, car il n’a pas la liberté de parler.

  1. C’est-à-dire de Créuse.
  2. Iôn signifie allant ; exiôn, sortant.