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Le Chœur
seul.

Je vois couler les larmes, j’entends les gémissements et la désolation de ma maîtresse, lorsqu’elle saura que son époux retrouve un fils, tandis qu’elle-même demeure stérile et sans enfants. Fils de Latone, dieu prophète, quel oracle as-tu prononcé ? Quel est donc cet enfant élevé dans ton temple ? à quelle mère doit-il la vie ? Cet oracle porte la tristesse dans mon âme ; j’y redoute quelque tromperie. Je crains l’issue d’un événement si étrange ; il m’annonce des suites non moins étranges. La fortune de ce jeune homme, dira-t-on, est l’ouvrage de ses artifices, l’origine qu’il s’attribue n’est pas la sienne. — Qui n’applaudira à ce langage ?

Ô mes amies, révélerons-nous à notre maîtresse l’ingratitude d’un époux en qui elle avait mis toutes ses espérances ? Pendant qu’il jouira de son bonheur, elle consumera ses jours dans l’affliction ; son époux encourra le mépris de ses amis, lui qui, étranger, devenu maître d’une maison florissante, n’a pas rendu la destinée égale entre lui et son épouse[1]. Périsse le traître qui a trompé ma maîtresse ! puissent les dieux rejeter l’offrande qu’il dépose sur leurs autels ! Ma maîtresse reconnaîtra mon attachement pour la race royale[2].

Déjà Xuthus et son nouveau fils préparent un nouveau banquet, aux lieux où la roche du Parnasse élance son double sommet dans les cieux, et où Bacchus, armé de torches ardentes, conduit d’un pied léger les danses nocturnes des Bacchantes. Ah ! puisse cet enfant ne voir ja-

  1. J’ai suivi la leçon adoptée par Bothe, ἴσωσεν τύχας, au lieu de ἔσωσεν.
  2. Passage dont le texte est très corrompu.