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mon auguste maîtresse ; que le sang venimeux tiré des veines de la Gorgone punisse celui qui pénètre en intrus dans la famille des Érechthides ; que jamais un usurpateur étranger ne règne sur Athènes, qu’elle reste à jamais soumise aux nobles enfants d’Érechthée.

Mais, s’il se dérobe à la mort, et que les efforts de ma maîtresse soient impuissants, si nous laissons échapper le moment d’agir et l’espérance qui s’offrait à nous, le glaive ou le lacet fatal terminera ses jours ; mettant fin à ses douleurs par des douleurs, elle passera à une autre existence. Jamais, tant qu’elle verra la lumière, elle ne supportera de maîtres étrangers dans sa maison, elle issue d’une noble famille.

J’ai honte pour le dieu qu’Athènes honore par des hymnes saints[1], si, près des sources de Callichore, ce jeune inconnu se mêle pendant la nuit à ses mystères ; s’il voit briller le flambeau des Icades[2], quand l’éther parsemé d’étoiles célèbre les danses sacrées, quand la lune se joint à ce chœur auguste, et que les cinquante filles de Nérée dansent au fond des eaux et dans les profondeurs des fleuves intarissables, pour honorer la déesse qui porte une couronne d’or et sa mère, objet de la vénération des mortels[3]. C’est là qu’espère régner[4] et usurper le travail d’autrui un vagabond qu’Apollon protège !

Ô vous dont les outrages insultent à notre sexe en nous accusant d’infidélité et de passions coupables, voyez combien nous surpassons en piété l’injuste débauche des hommes. Sur eux seuls doivent retomber vos reproches d’in-

  1. Bacchus.
  2. On appelait icade (du mot ἔικοσι, vingt) un des jours où se célébraient les mystères ou les grandes fêtes de Cérès et de Bacchus. Les étrangers et les enfants illégitimes ne pouvaient pas y assister.
  3. Proserpine et Cérès.
  4. On nommait aussi roi celui qui présidait aux mystères.