Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 2.djvu/93

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étrangers sortit de la grotte, et debout, agitant la tête d’un air égaré, il poussait de profonds soupirs : ses bras étaient saisis d’un affreux tremblement, et, dans les transports de sa fureur, il poussait des cris comme un chasseur : « Pylade, vois-tu celle-ci ? ne vois-tu pas cette furie infernale ? elle veut me tuer, en tournant contre moi les horribles serpents dont elle est armée. Elle respire la flamme et le sang, et sous les voiles qui l’enveloppent elle agite ses ailes, tenant ma mère entre ses bras, pour m’écraser sous cet énorme rocher… Ah ! elle va me tuer. Où fuir ? » On ne voyait pas ces formes elles-mêmes, mais il poussait tantôt des mugissements comme un taureau, tantôt des aboiements comme les chiens, dont les Furies imitent, dit-on, les cris. Pour nous, frappés d’effroi et comme de stupeur, nous restions en silence. Mais lui, tirant son épée, se précipite au milieu de nos troupeaux comme un lion ; il frappe, il perce leurs entrailles, croyant se défendre ainsi contre les Furies ; une écume sanglante couvre la mer. Cependant chacun de nous, voyant ses troupeaux tomber égorgés, prend les armes, et sonne de la trompe pour appeler les habitants ; car, contre ces étrangers jeunes et pleins de vigueur, nous pensions que des bergers seraient trop faibles. Une troupe nombreuse se rassemble en un moment : cependant l’étranger tombe, l’accès de sa fureur se calme, l’écume coule de ses lèvres. En le voyant tomber si à propos, chacun de nous se mot à l’œuvre, à frapper, à lancer des pierres ; mais l’autre étranger essuyait l’écume qui sortait de la bouche de son ami ; il veillait sur lui, le