Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 2.djvu/99

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

reçois ce sacrifice que la loi du pays te présente, mais que les mœurs des Grecs déclarent impie.

Iphigénie.

C’est bien. Mes premiers soins doivent être pour le culte de la déesse. Déliez d’abord la main de ces étrangers ; dès qu’ils sont consacrés, ils ne doivent plus porter de chaînes. Entrez dans le temple, préparez tout ce qu’il faut pour la cérémonie, et tout ce que la loi exige. Hélas ! quelle est la mère qui vous a donné le jour ? quel est votre père, quelle est votre sœur, si vous en avez ? de quels frères elle va être privée ! Car qui connaît les événements et qui sait à qui ils sont réservés ? Les volontés des dieux sont enveloppées de ténèbres, et nul ne prévoit les malheurs qui le menacent : c’est par de secrets détours que la fortune nous conduit dans l’adversité. D’où venez-vous, malheureux étrangers ? quel long chemin vous avez parcouru pour aborder en cette contrée ! Mais que votre absence de votre patrie sera longue, une fois descendus aux Enfers !

Oreste.

Pourquoi gémir ainsi ? pourquoi nous attrister par les malheurs qui nous attendent, ô femme, qui que tu sois ? Je n’appelle pas sage celui qui au moment de mourir veut vaincre la crainte de la mort par l’attendrissement, ni celui qui, en présence du moment fatal, se livre aux lamentations sans espoir de salut. Il redouble en effet son malheur ; il encourt le reproche de démence, et il n’en meurt pas moins. Il faut laisser aller la fortune. Cessez de plaindre notre sort : nous connaissons trop les sacrifices en usage dans ce pays.