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Page:Europe, revue mensuelle, No 105, 1931-09-15.djvu/48

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blanchâtres dans lequel je ne pouvais plus bien m’allonger.

Je m’endormais quand un coup de sonnette me faisait sursauter. Ma mère tirait le cordon et un homme entrait qui, d’une voix sourde, disait son nom. Vers minuit, en semaine, la maison entière dormait. Le sommeil de six étages, de 80 locataires peut-être, pesait sur moi.

Nous dormions la fenêtre fermée car dans la cour étaient alignées les boîtes à ordures dans lesquelles venaient grignoter les rats et ma mère, et moi-même, craignions qu’ils ne rentrassent chez nous. J’étouffais ; j’écoutais ronfler mon père. Enfin le sommeil, le silence…

Vers 5 heures du matin la vie reprenait. Un locataire demandait le cordon, un chiffonnier tirait les boîtes à ordures, le père Bayer remuait ses pots à lait. Alors ma mère se levait. Du ciel une lueur blême descendait, glissait dans le couloir où, à la file, passaient les locataires encore ensommeillés, pourchassés par des rêves qui allaient mourir dans la rue.

Je restais un moment au lit ; ma mère, qui était déjà en tenue de travail et prête à monter balayer l’escalier, me secouait, me débarbouillait, me donnait un bol de café. Je partais pour l’école en suivant la rue Myrrha. Les boutiques s’ouvraient ; un tombereau roulait, s’arrêtait, repartait, il en tombait des ordures et une poussière de cendres. Je ne me pressais pas, le spectacle de la rue me retenait toujours et je faisais des découvertes ; enfin j’arrivais place Saint-Mathieu.

Près d’une église moderne et je crois sans fidèles, un bâtiment de briques et de plancher, avec son préau humide, ses classes vieillottes, sa cour où quelques platanes végétaient. Mais l’école, je la « canais » souvent.