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Page:Europe, revue mensuelle, No 105, 1931-09-15.djvu/50

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soupirait-elle. Moi, avec la loge, je quitte jamais le quartier ». Le crépuscule tombait, entre les maisons sombres s’étendait une étroite voie lumineuse vers laquelle maman levait les yeux. Elle disait : « II fait encore clair. Ce sont les plus beaux jours de l’année ». Elle se redressait, prenait sa chaise. « Mon petit, faut rentrer. » Le dimanche était fini, nous retrouvions la loge, comme une cage.

Et la semaine recommençait, avec ses devoirs, ses tâches qui étaient toujours plus dures pour maman. Cirer l’escalier « du devant », laver l’escalier « du fond », balayer la cour, astiquer les cuivres, s’occuper du courrier, des receveurs de la compagnie du gaz, enfin, tous les trois mois, toucher le terme. Quel souci alors ! Donner les quittances, recevoir l’argent, compter et recompter des billets ou des pièces d’or, les serrer dans l’armoire. Et puis un matin, l’argent sur sa poitrine, elle partait pour le siège de la société, rue Caulaincourt. C’était presque sa seule promenade et encore n’en profitait-elle pas car elle craignait toujours qu’on ne l’attaquât. Elle rentrait chez nous, délivrée, heureuse, retrouvait ses quatre murs, son petit train-train.

Vint pourtant un jour où elle ne put continuer son métier. Elle dépérissait. Elle faisait un travail « au-dessus de ses forces » déclara un médecin de la rue des Poissonniers qu’elle consentit enfin à aller voir.



Nous nous installâmes à Montmartre, aux Grandes-Carrières.

Fini, la loge de concierge ! Nous logions au cinquième étage, et, de nos fenêtres, découvrions un bel horizon. De longues années, ce fut ma campagne. C’est ainsi que j’appris également à connaître mon