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Page:Europe, revue mensuelle, No 105, 1931-09-15.djvu/61

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où pendent des loques, des cages, et, derrière des vitres ternes, des rideaux déchirés. Je passe, rasant les murs ; enfin j’obéis à un obscur appel qui me pousse vers les ruelles lointaines que bordent de très anciennes maisons.

Je m’arrête devant une fenêtre des spots à fleurs ornent certaines. Les rideaux sont entr’ouverts, je vois l’intérieur mal éclairé d’une pièce basse de plafond. Dans un coin, un buffet encombré de fouillis ; ailleurs, des chaises percées, un lit de fer. Une femme colle des boîtes de carton, elle ne lève jamais la tête ; ses mains vont et viennent méthodiquement, comme une machine. Elle travaille aux pièces, touche un salaire dérisoire, mais elle est « chez elle », près du poêle sur lequel le dîner mijote dans une marmite de fonte.

Encore quelques pas. Dans des chambres obscures, ce sont des vieillards que j’observe — ceux de l’Assistance — penchés sur des journaux jaunis, sur un chat, sur une besogne inutile, quelquefois penchés sur leurs souvenirs, tous déjà raidis et silencieux. Le soir vient. Ils se lèvent, ils allument une lampe à pétrole dont la flamme fumeuse éclaire un intérieur misérable.

Cela, c’est le passé, un monde qui meurt et qu’on abandonne. Je descends le boulevard Ornano, le boulevard Barbès, et rencontre le présent. Un tourbillon. J’entends toutes les langues. Dès rues s’ouvrent, grouillantes, sans ciel, mais qu’a-t-on besoin d’un ciel ? les feux rouges des enseignes l’éclaboussent. La viande saigne à la devanture d’une boucherie, des légumes se flétrissent à l’étalage d’une fruiterie ; un magasin de meubles, puis un bistrot, et à chaque carrefour un grand café dont le comptoir brille.

Vers huit heures, les sonneries des cinémas retentissent, Ce sont des « Palace », des « Impérial »,