Page:Europe, revue mensuelle, No 189, 1938-09-15.djvu/83

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terdam est considérablement émue. On joue Maya au théâtre de l’Avenue, où nous n’irons pas. Il y a eu quarante-huit morts à Roche-la-Molière, mais comme ce sont des mineurs, cet incident n’a pas une importance démesurée et M. Tardieu s’est entretenu familièrement avec les blessés, ce qui arrange bien des choses. À Paris…

— Embrassez-moi plutôt, dit Pauline.

Philippe l’embrassa et il trouva à ce geste un plaisir légèrement irrité parce que la sueur de l’été salait un peu les lèvres de Pauline, que son rouge avait un drôle de goût, et qu’elle était une de ces femmes impossibles qui mettent en scène toutes leurs émotions, tremblent quand on touche leurs seins et qui organiseront sur le tard des crises de nerf parfaitement imitées.

— Que de manières ! pensait Laforgue. De quoi aurais-je l’air si Bloyé rentrait, avec cette fille théâtrale, sa figure de transe ? Il vaudrait peut-être mieux que j’aille boucler la porte.

Il s’éloigna de Pauline pour aller pousser le verrou.

— Est-ce que vous auriez de mauvaises intentions ? demanda-t-elle avec un petit rire arrangé. Je ferais probablement mieux d’enlever ma robe.

— Je le crois aussi, dit Laforgue.

Pauline se leva et enleva sa robe, une robe couleur de feuille morte qui faisait justement un sec petit bruissement de feuille morte ; elle portait une combinaison mauve avec de grandes bandes de dentelle ocrée qui lui coupaient la poitrine et les jambes.

— Cette femme n’a aucun goût, se dit Philippe, qui n’aimait chez les femmes qu’une lingerie pure ou les artifices extravagants des grues de la Madeleine et de l’Opéra.

Elle avait des épaules et un torse un peu grêles mais des jambes et des hanches assez lourdes pour lesquelles Philippe avait assez de goût pour lui pardonner son linge. Elle s’allongea sur le divan et étendit sa robe sur ses genoux ; Laforgue, couché le long de ce corps moite, pensait qu’il aurait bien dû tirer le rideau avec tout ce soleil qu’ils avaient en plein dans les yeux et qui illuminait les taches de rousseur sur la peau blanche de Pauline au-dessus du grand ourlet