Page:Europe, revue mensuelle, No 191, 1938-11-15.djvu/77

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droit, puis tremblait à une onde lointaine de la voix de Mme Rosenthal.

— Je suppose, disait-elle, qu’il n’y a aucune morale à te faire…

— Il n’y en a pas, dit Bernard.

— Tais-toi, dit Mme Rosenthal. Tu es une espèce de monstre. Tu me fais horreur. Et je te prie de ne pas nous défier.

— Bien sûr, dit Bernard.

Mme Rosenthal éclata en sanglots et perdit la face en sentant qu’elle devait renoncer à tout pouvoir sur son fils. Quand elle put parler, elle soupira :

— Moi qui espérais presque qu’en nous voyant, tu comprendrais l’horreur de ta conduite… que tu aurais au moins un bon mouvement, un cri de regret. Il n’y a plus rien à attendre de toi, mon pauvre enfant…

— Attendre quoi ? dit Bernard qui jeta encore un regard vers Catherine, surprit l’ombre d’un sourire qu’elle effaça, et se dit : elle les voit encore avec mes yeux ! Quel bon mouvement ? Que je me jette aux genoux de Claude ? Comme je n’imagine pas qu’il puisse jamais me pardonner, je ne vois pas ce que nous pourrions faire dans le genre attendrissement, moralité et larmes collectives… Et comme je ne regrette exactement rien…

— Salaud ! s’écria Claude, qui fit un mouvement et serra le dossier du fauteuil de sa mère.

— Claude, dit Mme Rosenthal.

M. Rosenthal, qui n’en pouvait plus sortit brusquement et claqua la porte, sa femme haussa les épaules.

— Nous avons donc très peu de choses à nous dire, dit Mme Rosenthal. Personne ne doit rien savoir de nos drames. Catherine restera avec son mari…

Elle regarda du côté de Catherine, qui inclina la tête, Bernard pensa que c’était impossible, qu’on était dans la folie et que ce tribunal familial était ignoble.

— Tu vivras de ton côté, poursuivit sa mère, comme tu as commencé. Ton père te versera ta mensualité. Si tu le souhaites, tu viendras ici, quand tu voudras, tu es notre enfant, je m’arrangerai pour que tu n’y rencontres ni ton