Page:Europe, revue mensuelle, No 94, 1930-10-15.djvu/62

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sans avion, sans scaphandre et ces violations mécaniques ne durent qu’un temps. Voilà en somme une signification de la vie humaine : les hommes ont à tenir compte des renseignements sur la densité, sur la direction de la pesanteur : cela ne les empêche pas de vivre, cette fatalité n’a réellement pas plus d’importance pour leur bonheur que le fait d’avoir quatre membres et une tête seulement : ils finissent même par en retirer du plaisir. L’expansion de l’homme et son enrichissement ne sont peut-être pas naturellement illimités.

Le fond d’un bateau, comme les parois du monde, limite toutes les fantaisies. Le corps vit au-dessus des cales dans une indolence et une impatience sans destination.

Tout cela dessine les figures diverses de la paresse et de l’oubli.

Mais l’oubli n’est pas l’autre nom de la liberté. Revenons, la liberté compte seule. Sur les quais européens de Glasgow où, — c’était le temps de la grève charbonnière, — les hommes ne mangeaient pas tous les jours à leur faim, il était question de miracles, d’événements, de ce qui serait une rupture et la promesse de véritables réincarnations. J’avais l’impression que la vie humaine se découvre par révélation : quelle mystique. Mais les gens de mon âge vivaient dans l’attente de n’importe quoi, des célèbres coups de foudre de l’aventure : bonnes histoires de nos gardiens.

Les événements ne se rencontrent pas aux tournants des routes, les virages ne sont pas des mines d’or, il n’y a pas une route vide comme dans la plaine champenoise, et monotone, sans villages, et puis soudain quand personne n’y pense, quand rien ne sert de présage, derrière un pan de rocher, ce que l’on attendait et qui n’a pas de nom. M. Barnstaple