Page:Europe (revue mensuelle), n° 125, 05-1935.djvu/117

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tandis que son cœur recevait un coup de poignard qui lui fit perdre le souffle. Il ferma les yeux, la tête penchée sur sa poitrine, du plomb dans le corps, et resta ainsi même après le départ de son ancienne maîtresse et de la nouvelle acquisition de celle-ci. Puis ses lèvres articulèrent, sèches :

— Poutsi ! Elle m’a remplacé par Poutsi !

Mais pourquoi cela lui faisait-il tant de mal, un mal qu’il n’avait jamais encore connu ? Est-ce qu’il aimait donc Loutchia ? Et à ce point ? Pourquoi, alors, l’a-t-il quittée ? La brave fille lui avait assez écrit. Il ne lui avait jamais répondu. Alors ?

« Oui… Mais… Poutsi ! »

Poutsi ou un autre, n’était-ce pas la même chose ?

« Non ! non ! C’est affreux ! C’est Poutsi qui couche maintenant avec ma Loutchia ! »

Sa Loutchia !

Il se leva, anéanti. Le traîneau le déposa devant le « Bureau », mais un gros cadenas à la porte l’avertit que celui-ci avait fermé boutique. Il entra chez les plapamari. L’atelier était au complet. Le même. Mais les visages n’étaient pas gais comme d’habitude. Cristin travaillait lui aussi. Personne ne fit attention à Adrien. Le bonjour réciproque. C’est tout. Puis Cristin dit :

— Macovei est depuis hier à la morgue.

Adrien l’avait deviné :

— Et Léonard ?

— Il est à moitié fou. Il se tuera, sûrement !

— Et on ne peut rien faire pour lui ?

— Quoi faire ? Lui prêter cent francs ? Deux cents ? Il ne les veut même pas ! Et on le comprend.

— Où est-il, maintenant ?

— Aux préparatifs de l’enterrement qui aura lieu demain.

— Mikhaïl est-il au courant ?

— Nous ne l’avons pas revu depuis qu’il est entré à l’English.

Adrien décida de ne pas aller lui annoncer la nouvelle de la mort de Macovei. À quoi bon ?

Il sortit.