Page:Europe (revue mensuelle), n° 143, 11-1934.djvu/77

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un autre désir ; je n’ai pas eu soif de posséder, d’être riche, de jouir d’une réputation. Mais de dénoncer le mal dont nous souffrons.

Servir, subir une discipline, ce sont des obligations que nous pourrions accepter s’il s’agissait de défendre une cause juste, un régime qui serait celui de tous les hommes, une civilisation toujours plus humaine. L’échec de ces vingt années nous donne le droit de dire que les sacrifices qu’on nous réclame — ceux de demain, comme ceux d’hier — sont inutiles. Notre dignité d’homme est de refuser ; notre devoir de nous révolter. Il est possible que notre vie nous soit arrachée ; il est impossible que notre protestation ne soit enfin entendue, comme il est impossible que l’esprit meure — malgré les trahisons de l’Église, celles des savants et des intellectuels, en trop grand nombre. Ce n’est pas nous qui découvrons où se situent le bien et le mal, la vérité et le mensonge, la bonté, le crime, d’elles-mêmes ces valeurs prennent leur place. Si grandes que soient les tromperies de nos maîtres elles ne suffiront plus à cacher les leçons de ces vingt années. Nous savons maintenant que la puissance de ces maîtres est mortelle. L’esprit, sans doute, ne peut rien contre cette formidable machine qui se prépare à nous broyer tous. Mais le début d’une nouvelle guerre sera aussi le début d’un nouveau monde. Rien ne se perd de la souffrance. Rien ne sera perdu de la misère et de la honte de ces vingt ans. Pareil échec ne restera pas inutile.

Il eut mieux valu atteindre au bonheur en se dispensant d’une nouvelle et combien effroyable expérience. Il n’aura pas dépendu de nous qu’il en soit ainsi. Il faut que les responsables de cette tuerie future sachent qu’ils seront déshonorés, maudits ; que, quelles que soient leurs défenses, leurs aveux, rien ne les sauvera. Quand bien même ils se tireraient d’affaire encore une fois, il restera des hommes pour dénoncer leurs méfaits, des