Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 2.djvu/14

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barras, et qui ne vous regardent jamais qu’avec indifférence ou antipathie. Quelle affreuse et désespérante situation pour celui qui a toujours uniquement compté sur les secours des hommes, et qui a le malheur de ne pas savoir trouver en Dieu son appui et ses consolations.

Il manquait à notre long voyage, si rempli de vicissitudes de tout genre, cette nouvelle épreuve. Dans la Tartarie et le Thibet, nous avions été menacés d’être tués par le froid, de mourir de faim, d’être dévorés par les tigres et les loups, assassinés par les brigands ou écrasés par des avalanches ; souvent il n’eût fallu qu’un faux pas pour nous précipiter du haut des montagnes dans des gouffres affreux. En Chine, les bourreaux avaient étalé sous nos yeux tous les appareils de leurs atroces supplices, la populace s’était ameutée pleine de colère autour de nous ; la tempête enfin avait failli nous engloutir au fond des eaux. Après avoir tant de fois senti la mort près de nous, et sous des formes si diverses, il ne nous restait plus qu’à la voir, debout, au pied de notre lit, prête à saisir tranquillement et selon les procédés ordinaires une proie qui lui avait si souvent échappé. Pendant deux jours entiers, il plut à Dieu de nous laisser devant les yeux cette lugubre et sombre vision.

Le soir même de notre arrivée à Kuen-kiang-hien, et pendant que nous recevions la visite des principaux magistrats de la ville, nous fûmes pris tout à coup de grands vomissements accompagnés de violentes douleurs d’entrailles. Nous sentîmes bientôt comme une décomposition générale, qui s’opérait dans tout notre corps, depuis les pieds jusqu’à la tête, et nous fûmes