Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 2.djvu/99

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bons mandarins qu’une contrée a eu le bonheur de posséder. La première fois que nous remarquâmes, au haut de la porte d’une ville chinoise, ce bizarre étalage de vieilles bottes, nous fîmes vainement des efforts incroyables d’imagination pour deviner ce que cela pouvait signifier. Pour être un établi de savetier, c’était évidemment trop haut placé et trop mal tenu. Un chrétien qui nous accompagnait nous en donna la véritable explication ; mais nous eûmes beaucoup de peine à y croire, et ce ne fut qu’après avoir vu un grand nombre de portes armoriées de cette façon que nous commençâmes à nous convaincre qu’on n’avait pas voulu se moquer de nous.

Les Chinois, tout soumis qu’ils sont à l’autorité qui les gouverne, trouvent toujours moyen de manifester leur opinion et de faire parvenir le blâme ou l’éloge à leurs mandarins. L’offrande d’une paire de bottes est déjà une manière assez originale de complimenter quelqu’un et de lui témoigner sa sympathie. Mais leurs ressources ne se bornent pas là. Une large et puissante voie ouverte à l’opinion publique, c’est l’affiche, et on en use partout avec une habileté qui témoigne d’une longue habitude. Quand on veut critiquer une administration, rappeler un mandarin à l’ordre et lui faire savoir que le peuple est mécontent de lui, l’affiche chinoise est vive, railleuse, incisive, acerbe et pleine de spirituelles saillies ; la pasquinade romaine pâlirait à côté ; elle est placardée dans toutes les rues, et surtout aux portes du tribunal où réside le mandarin qu’on veut livrer aux malédictions et aux sarcasmes du public. On se rassemble autour de ces affiches, on les lit à haute voix et sur