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— Bonne nuit, William.”

Quand il fut parti, je réfléchis profondément à ce qu’il m’avait dit sur ma mère. Je ne pouvais pas le croire, trahir mon père un homme si fidèle et si noble était une action impossible, William certainement la calomniait. Mais il avait offert de me donner des preuves, de me convaincre en me faisant voir de mes propres yeux sa trahison. Je lui en voulais de m’avoir révélé ce secret, j’aurais préféré ne pas le savoir ; mille pensées me traversaient l’esprit ; tantôt je souhaitais que ce fut pensé, tantôt je craignais que ce ne fût vrai. Telle est la puissance de l’amour, qu’il sape jusqu’aux plus douces et plus tendres affections de nos jeunes années.

Au milieu de ces pensées contradictoires, je m’endormis, et quand le lendemain matin, j’embrassai comme d’habitude les joues de ma mère ce fut avec un sentiment de pitié mélangé de dégoût. Je reçus au contraire les caresses de mon père avec tout le respect et la vénération de l’amour filial et de l’admiration, et mes yeux, mouillés de pleurs, auraient pu le convaincre que sa fille rendait justice à ses qualités, mieux que la femme qu’il avait adorée pendant tant d’années.

Nous nous installâmes dans l’après midi à notre hôtel du faubourg St. Honoré, où je pris possession de la chambre que j’avais choisie pour deux raisons, premièrement parce qu’elle faisait le coin de la maison et avait vue sur une avenue étroite, secondement par ce qu’elle était tout près du corridor, où étaient situés les appartements des domestiques.