Page:Evelyne, Aventure et intrigues d’une miss du grand monde, T1, 1892.djvu/47

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même, que cet enfant était certainement plus viril que le jeune efféminé qui me parlait.”

Lorsqu’on revint au salon, on me pria d’exécuter sur la harpe une sonate de Rossini qui était fort admirée des Parisiens ; j’y consentis à la condition que le duc de M*** qui avait un réel talent sur la flûte, m’accompagnerait. Le duc enchanté de montrer sa virtuosité et de recevoir des applaudissements, accepta avec empressement ; nous enlevâmes donc notre morceau avec un brio qui nous valut de chaleureux éloges.

Mais, apercevant un sourire un peu ironique sur les lèvres de Frédéric, je compris qu’il se sentait de force à égaler sinon à surpasser l’habileté du duc, et voulant faire juger par la compagnie la différence qu’il pouvait y avoir entre les deux, je priai Frédéric de bien vouloir à son tour m’accompagner sur la flûte l’ouverture de la Vestale de Rossini.

— Vous savez bien, ma chère sœur, que je n’ai jamais joué en public.

— Il faut un commencement à tout.

— De plus, je vous avoue que je n’ai jamais joué cette ouverture et que je la trouve trop difficile.

— Pas du tout, vous la jouerez très bien et je suis sure que vous vous en tirerez à votre honneur.

Mon père prit alors la parole et pria son fils de se faire entendre à la société qui était très désireuse de juger son talent. Frédéric alors obéit, prit la flûte, et, après avoir préludé d’une manière brillante, enleva l’ouverture avec un goût, un style et une virtuosité merveilleuse. Ce fut un concert d’é-