Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/69

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blons sur une autre carte, non, il a des cheveux noirs, des mains fines, des ongles rosés, des yeux langoureux, et il a ton âge, Adrien !


XVI


L’isolement qui avait d’abord tant effrayé Firmin, lui devint cher et sympathique. Il avait peuplé son appartement des souvenirs dont son cœur était plein. Ce n’était que dans le silence de la solitude qu’il pouvait évoquer les deux images de Madeleine et de madame de Mortagne, et toutes deux lui apparaissaient gracieuses et souriantes.

Peu à peu, cependant, le portrait de la dernière se couvrit de voiles ; l’oubli, qui une fois déjà l’avait effacé de ses yeux, l’en fit de nouveau disparaître tout à fait. Quelque effort qu’il tentât pour ramener ce visage charmant, ce corps souple, ce bras qui avait frémi sous ses baisers, c’était toujours le visage, les bras, toute la personne de Madeleine qui lui apparaissaient dans le calme de sa pureté et de sa candeur. Maintenant que madame de Mortagne n’était plus là, visible et palpable, l’imagination dominait les sens, l’amour sincère et vrai prenait sa revanche : la victoire lui restait, une victoire, en fin de compte, désastreuse pour le cœur du pauvre Firmin.

Firmin n’avait pas trop résisté à cet entraînement. Le chemin détourné où il venait d’entrer était bordé de fleurs qu’il moissonna pendant les premiers jours à pleines mains. Puis il sentit les épines qui jonchaient le terrain, et que cachaient ces beaux bouquets, lacérer ses pieds et ses doigts. Il était trop tard pour revenir sur ses pas. Il avait trempé