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LES FÉES DANS LES POÈMES DE MARIE DE FRANCE

romans féeriques emplissent Guingamor et Tidorel. L’un et l’autre offrent d’intéressantes particularités.

Guingamor appartient au type de Lanval et de Graelent. Une reine s’éprend de Guingamor, pour l’avoir vu assis près d’une fenêtre et enveloppé d’un rayon de soleil. Guingamor résiste à l’amour de cette reine qui, par dépit, l’oblige à tenter la chasse périlleuse du sanglier blanc. Il rencontre une jeune et belle fée, occupée, selon l’usage des fées, à se baigner dans une fontaine. Cette fée l’emmène dans son palais. Il y retrouve les dix chevaliers qui avaient tenté avant lui la poursuite du sanglier blanc, et le sanglier blanc lui-même, et son propre chien qu’il avait perdu.

Magnifique était le palais de la fée, avec ses portes d’ivoire, sa tour d’argent, ses murs de marbre vert. De perpétuels concerts y résonnaient à l’intérieur : c’étaient des harpes, des vielles, des chœurs de jeunes gens et de jeunes filles. Guingamor crut y demeurer quelques instants, et, lorsqu’il voulut retourner dans son pays, la fée lui annonça que tous ceux qu’il y avait connus étaient morts, car trois cents ans s’étaient écoulés, depuis qu’il séjournait au royaume de féerie. Elle lui recommande de ne boire ni manger, après avoir franchi la rivière. Mais il oublie ce conseil, et mange des pommes sauvages cueillies sur le chemin. À peine les a-t-il goûtées que sa jeunesse se flétrit, et que les trois siècles s’abattent pesamment sur ses épaules… Aux yeux d’un paysan ébahi, deux damoiselles venues du pays de féerie accourent vers lui, et lui font repasser la rivière.

Si mystérieux est le caractère de ce lai, qu’il nous apparaît plongeant par je ne sais quelles racines dans le sol de la vieille mythologie. Seulement, tandis que la grenade que Hadès donnait à Perséphone la fai-