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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

son tour, et les poètes lui prêtaient de nouvelles passions ou de nouvelles conquêtes. Roland, Roger, Angélique, pouvaient se glorifier de leurs chantres attitrés. Mais les noms de Dolce, d’Ercole Oldovino, de Gianmaria Avanzi ne rivalisent pas avec celui de l’Arioste. Si l’on évoque les amours d’Angélique, ce seront quelques strophes du Roland Furieux qui chanteront dans les mémoires, plutôt que les poèmes de Vincenzo Brusantini ou de Marco Bandarini.

Comme c’était un jeu de faire s’enamourer les héros, les fées profitaient de cette tendance. Parfois une fée Argentine, parfois une magicienne du nom de Draga, déployaient toutes sortes de prestiges. Alcine reparaît encore dans ces poèmes tardifs, pour que Roger tombe de nouveau dans ses lacets, d’où une autre fée, Urgande, le délivre, et la carrière d’Alcine se prolonge, semble-t-il, indéfiniment : il sera longtemps question de combats qui la mettront aux prises avec Logistilla. Il y aura des enchantements et de la féerie dans l’Amadis des Gaules, dont Bernardo Tasso empruntera le sujet à l’Espagne, et dans Floridante, du même Bernardo Tasso. C’est une suivante d’Urgande, porteuse d’une épée, d’un anneau, d’une boule de cire qui ont la mine de talismans. C’est la magicienne Argea envoyant Floridante conquérir un oiseau qui dit le présent et l’avenir, et une épée vermeille qui détruit les enchantements. C’est l’intervention des fées Lucine, Morgane, Montane.

La poésie chevaleresque aux mains d’imitateurs sans génie perdra tout ce qu’elle avait de souffle ; il n’en restera plus que de sèches et fastidieuses parodies qui prêteront au burlesque, tandis que de bonnes âmes rêveront peut-être de la pure beauté des héros primitifs, sans parvenir à leur rendre la vie, et