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PROLOGUE

paganisme. Ou nous a raconté l’histoire de certaines fées qui, devenues châtelaines et assistant à la messe, se seraient enfuies au moment de la consécration. D’autres sont beaucoup moins suspectes. Viviane à son pupille Lancelot, Mélusine à ses fils, prescrivent de toujours servir et défendre l’Église. Morgane a, pour ses captifs, chapelle et aumônier. Mélusine construit des édifices sacrés. Elle et sa sœur Mélior se déclarent bonnes chrétiennes et sont favorables aux héros des croisades. Mélusine fait pénitence le samedi (à noter cette pénitence du samedi, jour consacré à la Vierge Marie, comme un détail fréquent dans les légendes de fées), et travaille pour le salut de son âme. Au treizième siècle, dans le lai du Désiré un chevalier, trop épris d’une fée, s’en confesse à un ermite : la fée lui adresse des reproches ; elle n’est pas un esprit de ténèbres, puisqu’elle prend de l’eau bénite et du pain bénit. Plusieurs de ces fées sont tristes. On en connaît qui demandèrent le baptême ou qui se firent consoler par de saints ermites. « Ce ne sont là, pourtant, écrit M. Montégut, que des exceptions, car il est vrai que le sentiment religieux leur manque tout à fait, et que le caprice et la poésie constituent la seule religion qui soit à leur usage ; mais si jamais on ne les a vues mêlées au cortège des esprits pieux, jamais on ne les a rencontrées parmi la tourbe des esprits damnés ou mêlées aux sombres cérémonies du « sabbat[1] ».

Il y en a d’affectueuses, et qui ne demandent qu’à prêter leurs bons offices aux ménagères. Mais leur bonté d’âme a des limites : elles détestent les humi-

  1. Montégut, Revue des Deux Mondes ; 1er avril 1862.