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CHAPITRE X

LA FÉERIE POLÉMISTE : SPENSER ET LA REINE DES FÉES


La féerie de Spenser, que virent éclore les années 1589 et 1596, fit vibrer une corde nouvelle dans ce monde imaginaire. C’est une féerie de rancune et de flatterie, de calomnie et d’adulation. Nous ne lisons pas le poème de la Reine des fées sans une sorte de malaise, que nous reconnaissons pour l’avoir éprouvé devant quelque œuvre de polémique.

Pourtant, il y a polémique et polémique. Celle de Dante s’élève aux régions de la poésie, et quand même nous la soupçonnerions d’être injuste ou partiale, nous devrions reconnaître de la grandeur dans ses invectives. Celle de Spenser nous rebute, d’autant plus qu’à l’insulte elle mêle la flagornerie, et que le poète ne s’attache à déshonorer que des victimes. Son âme a deux pôles : le culte des puissants, la haine des opprimés. Cette double passion n’a rien d’épique.

Le noble Torquato Tasso savait envelopper de