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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

enchantée. Sa vie s’est passée tout entière dans les sites de rêve et de beauté qui apparaissent à nos imaginations septentrionales comme des visions de féerie. Il avait des frères et des sœurs ; ses sœurs étaient d’incomparables musiciennes, l’une d’elles surtout, la fameuse cantatrice Adriana, exigeante et orgueilleuse comme une reine, qui reçut du duc de Mantoue un domaine et le titre de baronne.

Il est permis de croire que le petit Gianbattista s’échappait quelquefois de cet intérieur plein de jeunesse, de musique et de gaieté pour courir sur le port et entendre les récits des pêcheurs. Il y prit l’amour du dialecte napolitain. En même temps, il recueillit certainement de ces beaux contes qui semblent avoir été roulés par toutes les vagues de la Méditerranée, tels les coquillages transparents que l’on se plaît à ramasser sur les grèves. Il connut Vicence, Venise, Candie, Corfou, errant à travers les îles fleuries de la Méditerranée. Déjà l’une d’entre elles, Céphalonie, était ingénument peuplée de fées par notre Froissart : « Les femmes, disait-il, habiles aux ouvrages de soie, parlent à fée quand elles veulent bien. » Mais ni son service de soldat, ni ses pérégrinations, ni l’Académie crétoise des Extravagants qui le comptait parmi ses membres, ni même le jardin féerique d’Adriana à Mantoue, petit et délicieux, odorant d’herbe et de feuillage, où l’eau tremblante d’une fontaine dormait comme un joyau dans un écrin de marbre et reflétait le Narcisse de Michel-Ange, ne firent oublier à Basile le cher dialecte et les contes des pêcheurs. Sans doute le Minotaure lui parut un ogre, et les trois déesses du mont Ida un trio de fées.

Jamais écrivain ne dissimula davantage son âme