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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

ressemblent aux sirènes, des dames de la mer, souples et félines ; elles ont des yeux glauques, un rire de nacre, une robe de moire étincelante, et le soleil fait reluire sous les flots leurs tresses d’or mêlées de perles. Ce sont les vagues, les vagues dansantes et mouvantes, qui appellent les fils loin de leurs mères, les maris loin de leurs femmes, les pères loin de leurs enfants, les fiancés loin de leurs fiancées. Leur amour est tel que les hommes oublient pour lui l’amour des femmes, et que, malgré la menace de mort, ils s’élancent, ivres de joie, au-devant des menteuses et prometteuses dames de la mer. Et, lorsqu’elles les auront pris, elles viendront de nouveau roucouler et gémir sur les plages aux pieds des abandonnées qui les supplieront vainement de rapporter leur proie, aux pieds des veuves qui serrent contre leurs jupes les orphelins déjà hantés par l’irrésistible appel. Aucune légende ne se comprend mieux que celle des Dames de la mer.

Et le mystère des eaux, comme il hante le songe des riverains ! Où sont-ils, les navires perdus ? Où sont-elles, les villes englouties ? Sous l’eau, disent les légendes. On y vit comme sur la terre : des cloches résonnent toujours de la cité d’Is. Il y a des fées occupées d’une lessive éternelle. D’autres chantent, murmurant les noms de quelques jours de la semaine. D’autres encore, et beaucoup, peignent leurs cheveux avec des peignes d’ivoire. Sous la mer, des marches conduisent à un château où l’on dort, comme dans celui de la Belle au Bois Dormant. Ailleurs une fée est endormie dans un souterrain ; ses sœurs vont l’y visiter, mais celui qui l’éveillerait l’épouserait : l’Edda nous montre ainsi Brynhilde, éveillée par Sigurd.