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PROLOGUE

Comme la mer, les rivières ont leurs fées, leurs lutins, leurs génies. Les dracs, par exemple, sont des génies protéiformes ; ils ont des palais au fond de l’eau. Sur les bords du Rhône et du Léman, abondent les Fenelles, petites fées sauvages aux yeux verts. Partout vous trouverez des fées ou des Fades, des dames blanches ou des dames vertes ; puis des ressouvenirs de légendes classiques : Héro et Léandre en Franche-Comté, Persée en Toscane, Sémélé et Bacchus, l’Amour et Psyché ; l’âne d’or d’Apulée devient la rustique Peau d’Âne. Le Gers cache sept belles et savantes damoiselles. La Rance a des fées dont la reine se promène dans un char attelé de papillons. Par exemple, d’où vient cette dame du Mas, belle, mystérieuse et revêtue d’une longue robe, qu’un seigneur avait épousée en promettant de ne jamais chercher à voir les pieds de la belle ? Malheureusement, il ne tint pas sa promesse et découvrit un jour, en guise de pied, une patte d’oie : la fée, déçue, le maudit ; châtelain et château disparurent engloutis par un lac soudainement formé. D’où vient-elle, cette voyageuse palmipède ? Se rattache-t-elle à tous les mythes de femmes-cygnes ? Faut-il voir en elle, peut-être, une lointaine cousine de la femme cygne du Dolopathos, fée douce et belle, et qui, accusée par une infâme belle-mère, souffre d’étranges mésaventures ? Serait-elle parente, plutôt, de la fameuse Mère l’Oye, Muse des contes populaires ? Ne ressemble-t-elle pas un peu à Mélusine, à une Mélusine moins miséricordieuse que la vraie ?

Les femmes-serpents, aussi, pullulent. Il en est une célèbre, dans le val d’Aoste. Les lacs possèdent leurs dames : l’une, princesse attirante, se précipite dans les eaux pour fuir un prétendant ; l’autre, pro-