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LES FÉES DE LA FRANCE CLASSIQUE

pétuels contes de fées. Chacun a le devoir d’y aller du sien. L’imagination se laisse aller sans trop savoir où elle aboutira, selon le caprice des rêves. On s’y prend comme pour la tapisserie, en alignant des petits mots où d’autres aligneraient de petits points ; et les histoires improvisées s’enchevêtrent en étourdissantes arabesques. En relisant ces contes, nous leur trouvons un aspect pâle et lointain de tapisseries fanées.

Leurs admirateurs leur attribuaient ou feignaient de leur attribuer de sérieuses vertus éducatrices. Ces récits étaient censés prêcher toujours la morale et devoir former le cœur des rois. Au fait, les éducateurs ne les dédaignaient point. Mme de Maintenon elle-même y prenait plaisir, et contait en filant comme la reine Berthe ou comme une simple Mère l’Oye.

Son élève la duchesse de Bourgogne acceptait la dédicace de la Tyrannie des Fées détruite par Mme d’Auneuil, qui tenait un salon littéraire. Les salons littéraires étaient enragés pour ce genre qui ne leur demandait pas un trop fatigant effort de pensée. La Pensée est une solitaire, et les salons ne s’engouent qu’exceptionnellement des solitaires.

Les femmes adoptent ces féeries avec enthousiasme. La préface du Cabinet des fées nous donne un tableau complaisant de la société qui s’en délecta.

Les femmes de qualité ne couraient pas. Elles causaient et conversaient essentiellement. Les plus galantes ne se prenaient qu’à la conversation, elles étaient généralement instruites (plusieurs aimables et jolies). Il y avait un fond de dignité qui n’était pas si déplacé qu’on le pense. Les coteries étaient réellement des coteries. On se bornait. Le nombre des amis n’augmentait ni ne décroissait. On vieillissait ensemble. Chaque cercle offrait presque une famille. On y gagnait plus de franchise, plus d’agrément. On savait se quereller et oublier les querelles. Les mœurs n’avaient