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LES FÉES DE LA FRANCE CLASSIQUE

point de péripéties et d’aventures. On y voit intervenir un cheval qui se trouve merveilleux conseiller, et des hommes doués par les fées de qualités étranges, comme de manger tous les pains d’une ville, de boire toutes les eaux d’un étang, et qu’on appelle tout simplement des Doués. Le plus intéressant de ces « doués » me paraît être Fine-Oreille, celui qui entend l’herbe croître sous la terre, et reconnaît au son la nature de celle qui va paraître. Le chevalier Fortuné l’emploie à des desseins utilitaires. « Il écoutait sortir de la terre les truffes, les morilles, les champignons, les salades, les herbes fines. » Mais ne serait-ce pas une jolie chose d’entendre le chant de la rose qui va fleurir, ou le murmure de la violette qui va poindre ? Une chose parfois terrible et parfois exquise, d’entendre la mélodie secrète des pensées au fond des âmes ?

Enfin Mme d’Aulnoy, qui est femme de goût au point d’en devenir artiste, nous raconte, toujours dans le Chevalier Fortuné, la toilette d’une jeune princesse qui se dispose à courir sur ses pieds légers comme les jeunes filles spartiates de l’antiquité pour gagner un prix : « Elle avait une robe légère de taffetas couleur de rose, semée de petites étoiles brodées d’or ou d’argent ; ses beaux cheveux étaient rattachés d’un ruban par derrière et tombaient négligemment sur ses épaules ; elle portait de petits souliers sans talons, extrêmement jolis, et une ceinture de pierreries qui marquait assez sa taille pour laisser voir qu’il n’y en avait jamais eu une plus belle ; la jeune Atalante n’aurait rien osé lui disputer. »

Nous sommes à la veille du dix-huitième siècle, et ne s’annonce-t-il pas déjà par cette figurine de Saxe ? En effet, c’est un petit monde artificiel et charmant,