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LES FÉES DE LA FRANCE CLASSIQUE

laine de Saxe. La fée serait une marquise frivole et licencieuse. Arlequin est beau, niais et rustre, mais il se civilise assez rapidement sous un regard de Silvie. Silvie n’est qu’une fade et jolie bergère, comme il y en a trop dans la bergerie de l’époque, une bergère à jupes roses et fleuries, à houlette enguirlandée, faite pour conduire des agneaux enrubannés. Le sujet est l’éternelle féerie humaine, la grande métamorphose de l’amour.

Pour garder un peu de couleur locale, la fée est aimée de l’enchanteur Merlin, qui doit l’épouser. Mais elle se soucie bien de Merlin et de son pouvoir ! Arlequin, tout rustaud qu’il apparaisse, est son favori.

Comme Riquet à la Houppe devient beau quand il aime la princesse, et comme la princesse devient spirituelle quand elle a rencontré Riquet à la Houppe, Arlequin se déniaise lorsqu’il a aperçu Silvie. Il aime Silvie, mais Silvie n’est qu’une bergère ; que pourrait une bergère contre une fée ? D’elle-même peu de chose, mais Trivelin, serviteur de la fée, est dévoué à l’enchanteur et propice aux amoureux. Arlequin et Silvie l’ont pour allié ; la fée, sans le savoir, l’a pour adversaire. L’amour d’ailleurs est, comme Trivelin, du côté des jeunes enfants. Grâce à toutes ces influences, le rustre Arlequin fait sa dupe de la belle et peu recommandable fée. En se jouant, sous quelque amoureux prétexte, il s’empare de la baguette dépositaire de la puissance féerique et l’offre en hommage à Silvie. Voilà donc cette baguette déjà connue d’Homère, et si redoutable entre les mains cruelles de Circé, devenue l’apanage d’une inoffensive fillette.

La fée est trompée, vaincue, réduite à l’impuis-