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Page:Félix-Faure-Goyau - La vie et la mort des fées, 1910.djvu/30

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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

des créations du brouillard et du rêve. On reconnaît leurs formes transparentes dans les vapeurs blanches qui montent des vallées aux premiers soirs d’automne.


V


Les chemins de fer, pourtant, ont commencé de dépoétiser ces vapeurs ; ils mettent en fuite les dames blanches, les dames vertes, les femmes-serpents, les fenelles aux yeux verts. Beaucoup disparaissent. Que vont-elles devenir ? Où se sont-elles cachées ? On savait déjà que le sel les rendait mortelles. Il leur conférait sans doute une âme, en mémoire du sacrement de baptême, et cette mortalité n’était peut-être que le signe d’une immortalité supérieure ; mais enfin, elles étaient vouées à mourir.

Il semble que leur destin s’accomplisse.

Les paysans de certaines régions bretonnes racontaient volontiers que le dix-neuvième siècle était un siècle invisible, mais que le vingtième serait un siècle visible, c’est-à-dire un siècle où les fées et les génies recommenceraient à se montrer aux hommes. Les premières automobiles qu’ils aperçurent leur donnèrent à croire que la prophétie était réalisée. Ils prirent les voyageuses automobilistes pour des fées revenant visiter leurs anciens domaines. Depuis, les automobilistes se sont multipliés, mais les fées se cachent toujours, les fées dont le défiant et léger esprit ne s’accommode guère, il faut le supposer, de ces véhicules bruyants, et qui préfèrent le parfum des forêts, quand il est pur de tout mélange.