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Page:Félix-Faure-Goyau - La vie et la mort des fées, 1910.djvu/31

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PROLOGUE

Mais nous n’irons pas à leur recherche. Il faudrait plusieurs livres pour saisir leurs silhouettes fuyantes et innombrables. Les fées simplement populaires nous entraîneraient si loin, sur la trace de leurs pas, dans la forêt enchantée des légendes, que nous risquerions de ne jamais y retrouver notre chemin. Des poètes ont donné la beauté de leur rêve, des conteurs l’ingéniosité de leur esprit, à ces formes éparses ; des fées ont revêtu une expression poétique ou romanesque ; elles se sont mises à représenter une conception de la vie humaine, les mœurs d’une époque, les habitudes d’un pays. Il serait fort ambitieux de dire que nous allons esquisser une histoire littéraire des fées ; nous avons tout simplement recueilli quelques éléments capables d’entrer dans la combinaison d’une pareille histoire.

Sur ces éléments littéraires, nous ne saurions méconnaître l’influence de la Mère l’Oye, l’intarissable conteuse des vieilles légendes paysannes, figure populaire de la vieille France. Aux jours révolutionnaires, il paraît que les fées ne furent pas en faveur ; Mère l’Oye fut disgraciée, mais le dix-neuvième siècle permit aux antiques familiers de Mère l’Oye de divertir encore les petits enfants. L’Église s’était justement opposée aux croyances et aux rites superstitieux que de telles légendes pouvaient faire naître, mais elle n’empêcha nullement les mères et les aïeules d’introduire les fées dans leurs récits berceurs.

Celles qui nous les firent connaître avaient perdu l’usage du fuseau, et c’est sur des aiguilles à tricoter que se penchaient leurs lunettes, dans la creuse embrasure d’une fenêtre. Elles n’en renouaient pas moins le fil mince et tenace de la tradition humaine. Chacune à son tour et sans le savoir incarnait le person-