Page:Félix-Faure-Goyau - La vie et la mort des fées, 1910.djvu/32

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
20
LA VIE ET LA MORT DES FÉES

nage auguste et mystérieux de la Mère l’Oye. Freya, belle et blanche, déesse au pied de cygne ; reine Pédauque de Toulouse, sculptée au portail des vieilles églises, qui aviez un pied d’oie et qui filiez, puisqu’un serment populaire se jurait sur votre quenouille ; reine Berthe aux pieds d’oie, dont les imaginations firent tour à tour la femme de Pépin le Bref et celle de Robert le Pieux ; vous nous attendrissez moins que la Mère l’Oye devenue l’aïeule de nos campagnes. Elle a peut-être, d’ailleurs, gardé de votre souvenir même le nom de ce palmipède dont la patte diffuse, comme celle du cygne et du canard, était, en de très vieux jours et de très lointains pays, considérée comme l’emblème de la lumière matinale. Je vous salue, Mère l’Oye, Muse de village, surannée et charmante, soit que votre visage ridé et doré par d’anciens soleils s’auréole des mitres de dentelle chères à nos Normandes ou des bonnets arrondis de nos Tourangelles, Mère l’Oye qui ne savez pas lire, mais qui demeurez la dépositaire de la culture profonde où s’alimente une race. C’est par vous que les beaux contes vinrent à nous de la nuit des âges, et votre mémoire nous apparaît précieuse comme ces coffres trapus où dormaient les robes couleur du temps et couleur de soleil, les robes qui rehaussaient la beauté de Peau d’Âne, la pantoufle de verre qui chaussait le pied de Cendrillon et qui portait sans doute l’aurore sur le cristal de lointains océans. Toutes les pierreries que vous prodiguez sur les étoffes resplendissantes de vos rêves apparaissent moins nombreuses que les gouttes de rosée dans l’herbe de la prairie. On a supposé que vous étiez échappée de quelque fabliau perdu. Vous représentez, bien plutôt, la grande Muse du peuple anonyme dont la poésie coule