Aller au contenu

Page:Félix-Faure-Goyau - La vie et la mort des fées, 1910.djvu/316

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
304
LA VIE ET LA MORT DES FÉES

point celle des âmes ; Chérétane s’est élevée au-dessus de ses sœurs ; elle a compris tout ce que le destin des fées a d’inférieur à celui des femmes qui savent aimer, souffrir, mourir et revivre dans l’au-delà de la mort.

À travers les créations folles, étranges, désordonnées, parfois grotesques de l’auteur vénitien, il y aurait donc à distiller une goutte de poésie, d’essence très pure, de parfum très suave. Dans ce pays de volupté qu’est Venise, à travers le jeu des féeries et des bouffonneries, le vieux Gozzi prêche un amour très haut. Le roi Deramo, qui a reçu en présent du mage Durandart une statue révélatrice ayant la propriété de rire quand une femme profère un mensonge, épouse la véridique Angélica. Lorsque le roi, dupé par la perfidie de son ministre favori, subit une métamorphose, et que le ministre s’empare du corps de son roi, le fidèle amour d’Angélica ne s’y trompe pas. En somme, c’est toujours l’âme aimée que cherchent le mari de la fée Chérétane et l’épouse du roi Deramo, soit que cette âme se cache sous une horrible enveloppe, soit que l’enveloppe originelle apparaisse habitée par une âme étrangère. Dans la pièce du Corbeau, la princesse Armilla, mue par un souci de même noblesse, ne demande qu’à sacrifier sa vie, pour réparer l’injustice de son bien-aimé.


IV


Cette forme même que Gozzi donne à l’amour nous révèle qu’il possède une sorte de philosophie. Il sait