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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

Le regard que ces gens du Nord fixent sur les âmes a des ingénuités redoutables. Ce naïf et doux Andersen pénètre toutes les petites ruses des hommes. Il n’a pas d’illusions sur eux, personne n’en eut jamais moins. À quoi bon se révolter, dirait-il ? Ne se considère-t-il pas comme suffisamment riche et pourvu par cette immense faculté de rêve qui le suit partout, qu’il ne perd jamais ? Le conte Sous le saule en est une preuve, comme celui de la Marchande d’allumettes. Il s’agit de deux enfants qui se sont aimés, en jouant sous un saule et un sureau. On leur avait conté l’histoire de deux personnages en pain d’épice. « Ceux-ci n’avaient de figure humaine que d’un côté, il ne fallait pas les considérer de l’autre. Du reste, les hommes sont de même. Il n’est pas bon de regarder leur envers. » Andersen constate cela sans se fâcher, sans déclamer. Elle est tragique, l’histoire des amoureux de pain d’épice. Jamais ils n’ont osé se déclarer. La jeune personne a fini par se fendre. Les petits se sont apitoyés sur elle, mais un grand garçon l’a dévorée en cachette par pure méchanceté. Les enfants pleurent à chaudes larmes, puis se résignent à manger le jeune homme. Peut-être est-ce pour ne pas le laisser seul au monde : du moins le conteur nous le suggère. Mais ne serait-ce pas plutôt parce qu’ils ont cédé au mauvais exemple ? D’abord on se révolte : cri du cœur, soubresaut de la conscience… Puis on juge tout simple de faire ce à quoi les autres ont trouvé avantage et plaisir… C’est l’histoire d’un certain nombre d’humains. La vie sépare les deux enfants qui avaient joué sous le saule et sous le sureau. Le petit garçon devient un modeste apprenti, la fillette une célèbre cantatrice. Knoud, c’est le nom du pre-