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LA FÉERIE DANS UN CERVEAU DU NORD : ANDERSEN

mier, se met à parcourir le monde. Pauvre, ignoré, il assiste au triomphe de son ancienne amie qui ne le reconnaît pas ; et il s’en va par des routes interminables et glacées, cherchant à retrouver le saule et le sureau de son enfance, qui le reconnaîtront peut-être, eux. Mais il tombe au bord d’une de ces routes, sous un saule étranger. Il s’endort. La neige le recouvre. Il revoit en rêve le pays natal, les amoureux de pain d’épice au comble de leurs vœux, et la belle cantatrice, son ancienne amie, devenue sa fiancée. « Cette heure-ci, dit-il, a été la plus belle heure de ma vie, et c’était un rêve… » Il se rendormit, rêva encore. Le lendemain matin il était mort de froid sous le saule. La mort, toujours la mort, facile et douce, se présente. Est-ce une secrète influence du catafalque natal ? Ah ! combien de ceux qui s’attachent trop aux promesses et aux sourires de la terre pourraient dire comme le pauvre compagnon : « Cette heure-ci a été la plus belle de ma vie, et c’était un rêve ! »

Il y a certain optimisme dans le Schelling d’argent, ce schelling dont l’histoire nous est si joliment contée ! Il est méconnu ; dans les pays étrangers, on le prend pour une pièce fausse, et cela l’humilie, lui qui se sent un vrai et bon petit schelling, d’être rejeté comme une fausse monnaie, tandis qu’il voit passer devant lui tant de pièces fausses que l’on croit bonnes ! S’il était homme, il se blaserait peut-être sur ce genre de souffrance. L’homme le plus sincère voit parfois contrefaire ses sentiments les plus spontanés et les plus profonds ; Cordelia reste muette lorsque ses sœurs feignent, par des discours hyperboliques, d’éprouver l’amour dont son cœur déborde. Et la merveille de la contrefaçon, c’est qu’elle a l’air