Page:Félix-Faure-Goyau - La vie et la mort des fées, 1910.djvu/409

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
397
LA FÉERIE DANS UN CERVEAU DU NORD : ANDERSEN

C’est une histoire quotidienne, et, malgré cela, tragique. Le paraître finit par tuer l’être ; l’ombre fait mourir la réalité. Andersen nous raconte l’histoire de cette condamnation à mort que certains d’entre nous, sans trop y songer, prononcent tous les jours. Et comme il est concevable qu’avec de telles pensées il lance certains de ses héros à la recherche du Livre de vérité !

Le Livre de vérité a des exemplaires répandus par le monde, mais il n’est pas donné à tous les hommes de le lire entièrement. Un sage parvient à le lire presque tout entier. « Pour les passages difficiles, il réunissait la lumière du soleil, celle des astres, celle des forces cachées de la nature et les éclairs de l’esprit ; soumis à ces reflets, les caractères devenaient lisibles. » Nous avons connu de graves philosophies qui nous disaient à peu près cela en fort beaux termes. Ce sage avait quatre fils très instruits et une fille belle, douce, intelligente, mais aveugle. Les garçons désirèrent aller prendre part aux hauts faits de l’humanité. Leur père leur expliquait qu’il existe une pierre philosophale ; que le beau, le vrai, le bien en constituent l’essence, mais qu’ils sont cachés, mêlés, écrasés sous le poids des erreurs humaines. Tour à tour les quatre frères entreprirent la poursuite de cette pierre philosophale. Ils avaient les cinq sens extrêmement exercés, mais, chez chacun d’eux, l’un était développé de façon toute spéciale : le premier excellait par l’ouïe ; le second par la vue, comme certains héros de Grimm et de Mme d’Aulnoy. Enfin la jeune fille se mit à la recherche de ses frères. Et l’idée fondamentale, l’idée maîtresse des contes d’Andersen reparaît ici. La jeune fille marche au milieu des humains, tenant toujours le fil conduc-