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Page:Félix-Faure-Goyau - La vie et la mort des fées, 1910.djvu/410

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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

teur qui la relie à sa patrie d’origine, et, partout où elle passe, les âmes fleurissent, les cœurs exultent ; il y a de la lumière, de la musique et des parfums. Mais l’esprit du mal s’en va puiser une eau nauséabonde à la mare où pourrissent toutes les fausses vertus, il y mêle les oraisons funèbres mensongères, les cantates payées, et autres ingrédients de même sorte ; de tout cela il fait une pâte à laquelle il ajoute le fard des vices, les larmes versées par envie, et il en forme une jeune fille qui ressemble de tout point à la première, de sorte que les hommes ne savent pas distinguer laquelle des deux jeunes filles ils doivent écouter. Ce n’est pas que ce conte soit des meilleurs, il affecte des allures mystiques que je ne puis m’empêcher de trouver ici un peu déplacées, mais si je m’y arrête, c’est parce qu’il illustre encore une fois cette conviction d’Andersen que rien ne ressemble plus au vrai que le faux ; que les hommes s’y perdent ; que les usages, les mœurs, les préjugés ont ouvré un filet inextricable, d’où il sera malaisé de s’échapper.

Dans la Petite Fille qui marchait sur le pain, la fée du marais et la grand’mère du diable causent comme de méchantes commères, et la grand’mère. du diable emporte toujours quelque ouvrage à la main : elle brode des tissus de mensonges, elle fait au crochet des filets de paroles inconsidérées pour perdre les familles. Que d’activés ménagères ont sur ce point une saisissante analogie avec la grand’mère du diable ! Leurs doigts travaillent et le mouvement de leurs langues suit celui de leurs doigts. Toute la différence consiste en ce que leur unique ouvrage : tissu de mensonges ou filet de paroles inconsidérées, est l’œuvre, non de leurs