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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

noms, — il était impossible de le placer ailleurs.

Pendant que Morgane accablait de sa sévérité les parjures en amour, sa conscience devait lui reprocher quelques peccadilles. Lorsque son frère Arthur lui confia la précieuse épée Escalibor, qu’un bras mystérieux, sorti du lac des fées, avait un jour offerte au roi, Morgane ne songea qu’à en faire largesse à son amant, ou à en favoriser les ennemis d’Arthur, et, quand il s’agit de se disculper elle-même, elle n’hésita pas à accuser de vol cet amant, ce qui coûta la vie au malheureux. Mais qu’elle rencontre un fiancé volage, un époux inconstant, un amoureux infidèle, la fée trouve le moyen de l’attirer au Val Sans Retour, d’où jamais il ne sortira.

Les larmes des belles, plus miséricordieuses qu’elle ne le fut elle-même, ne la toucheront qu’à moitié. Permission leur sera donnée de tenir compagnie aux captifs, d’entrer et de sortir à volonté, mais elles ne les emmèneront pas. Soucieuse du salut de ses prisonniers, Morgane leur octroie un aumônier et une chapelle. Elle ne les veut ni tristes ni malheureux, elle consent à leurs distractions, mais ils ne sortiront pas — c’est là sa marotte. Sans doute, elle pense leur éviter ainsi de nouveaux parjures. Malgré les bonnes intentions de Morgane, les pauvres chevaliers s’ennuient, s’ennuient au point de languir et de mourir.

Lancelot apparaît tout à coup dans ce petit monde mélancolique et chagrin. Il aime la belle reine Genièvre et il en est aimé. Aussi la dangereuse sœur d’Arthur, espérant une revanche, guette-t-elle les faiblesses de Genièvre ; que celle-ci se trahisse ou que Lancelot la trahisse, tout ira bien pour Morgane. Elle s’attaque perfidement à Lancelot, lui